Je viens de terminer d’écouter l’excellent documentaire intitulé ‘La dictature du bonheur’ de Marie-Claude Élie-Morin présenté à Télé-Québec. Dans ce documentaire, on traite de la dictature du bonheur qu’on nous sert à toutes les sauces et de tous ces ‘vendeurs de bonheur’ (j’aime bien ce terme suggéré par un protagoniste du documentaire) qui nous poussent à ‘chercher le bonheur’ en soi, ailleurs, dans le moment présent, plus qu’hier et moins que demain.

À chaque fois que j’entendais un ‘vendeur de bonheur’ présenter sa ‘théorie’, la seule demi-phrase qui me venait en tête était ‘le bonheur, virgule’. Comme si un professeur de français me donnait une dictée à écrire sur le bonheur. Le professeur me dirait ‘Le bonheur, virgule, est un état de pure félicité, virgule, de béatitude, virgule, dans lequel l’être se retrouve dans la lumière, point’. Le problème avec cette phrase est que dans la vraie vie, elle n’a pas de point à sa fin.

Comme beaucoup de chercheurs le démontrent de plus en plus, le bonheur n’est pas ce qui nous rendra heureux pour sûr jusqu’à la fin de nos jours. À trop chercher le bonheur, on risque de se perdre dans la quête. De plus, tel que le suggère de plus en plus de chercheurs scientifiques, la quête du bonheur mène bien des gens à tenter d’éviter à tout prix les émotions négatives. Or, les émotions négatives sont nécessaires à la survie. Elles le sont au même titre que la douleur qui nous fait retirer notre main du feu. Quand on se brûle la main et que l’on a mal, on ne se coupe pas pour autant la main pour enlever la douleur, n’est-ce pas? On attend tout simplement que ‘ça passe’. Et pourtant, quand on vit une émotion négative, on tente à tout prix de s’en débarrasser le plus rapidement possible ou de la remplacer par une émotion positive.

Et pourtant, si l’émotion négative est là, c’est pour nous envoyer un message qu’il y a un noeud dans notre vie, quelque chose à régler. Mais ce n’est pas obligé d’être une chose nécessaire à la survie! Cela peut être un petit événement qui nous a agacé, une phrase qui nous a menacé l’égo, un geste anodin. A trop vouloir se débarrasser des émotions négatives, on perd une énergie fabuleuse qu’on pourrait mettre sur des choses bien plus agréables, comme jouer au scrabble avec les enfants, aller promener le chien ou commencer à peinturer ce petit meuble pour l’appartement de notre plus vieux. Et comme le suggère de plus en plus d’études, si on laisse l’émotion négative passer sans rien faire, elle disparaît bien souvent dans les 48 heures. Et le ‘bonheur’ revient. On passe ainsi d’un état d’émotion négative à un état d’émotion positive plusieurs fois par jour, et ce, au gré des rencontres que l’on fait, des événements qui se présentent à nous.

Comprendre cela, c’est se donner le droit de vivre chaque émotion que notre cerveau nous envoie sans partir à la dérive à chaque fois qu’une émotion négative nous habite. Bien sûr, si cette émotion négative perdure dans le temps et affecte notre qualité de vie, c’est souvent le signe que l’on doit chercher de l’aide pour nous permettre de mieux comprendre la problématique qui génère cette émotion négative qui ne part pas. Dans ce documentaire, on m’a interviewée sur une étude que j’ai effectuée sur les consommateurs de livres de croissance personnelle. J’ai démontré dans cette étude que les consommateurs de livres de croissance personnelle présentent des concentrations plus élevées d’hormones de stress que les non-consommateurs de livres de croissance personnelle. J’avais trouvé ces résultats fascinants et j’avais donc soumis une demande de subvention pour poursuivre mes expériences dans ce domaine. Je n’ai pas reçu la subvention et bien que d’habitude, les chercheurs qui évaluent nos demandes de subvention écrivent des rapports de plusieurs pages pour nous donner les points forts et les points faibles de notre projet de recherche, je n’ai reçu qu’une phrase comme évaluation de ma demande de subvention. C’était écrit ‘Lack interest for funding’ (pas assez d’intérêt pour subventionner). Clairement, le domaine des livres de croissance personnelle n’intéresse pas beaucoup les chercheurs en neurosciences! Et pourtant, comme le montre bien le documentaire, c’est un domaine en croissance constante, avec des chiffres d’affaire faramineux.

Mais personne ne sait si tous les préceptes que les ‘vendeurs de bonheur’ suggèrent aux consommateurs sont efficaces, ou s’ils font du mal aux gens. Il faudra un jour se pencher sérieusement sur cette question. Mais d’ici là, si vous voulez en apprendre plus sur le bonheur, les émotions négatives et notre difficulté à accepter ces dernières, je vous suggère l’excellent livre de Russ Harris intitulé ‘Le piège du bonheur’, disponible dans toutes les bonnes libraires.

Je vous laisse sur une citation de Steven Hayes, chercheur à l’Université du Névada, qui fait la préface du livre et qui résume parfaitement l’approche de l’auteur: ‘Le bonheur ne se résume pas à se sentir bien. Si c’était le cas, les toxicomanes seraient les gens les plus heureux de la planète’.

Bonne lecture!

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